Un lien entre BERNOLSHEIM et Napoléon Ier ?

Alors que nous étions écoliers à Bernolsheim, il nous arrivait de pousser nos explorations du jeudi ou du dimanche, au sud, jusqu’à la voie ferrée et même au-delà.

Il faut dire que l’instituteur Marcel SANDEL nous conduisait jusque-là sur les prés du « BRUECH » pour chercher des primevères pour notre coopérative scolaire.

De l’autre côté de la voie ferrée, il y avait un endroit mystérieux qui, pour les Bernolsheimois, était dénommé « DE ISSKALLER ». C’était un vestige en forme de voûte recouvert par une butte de terre envahie par des ronces et des haies, surtout des lilas sauvages blancs. La dénomination de « Isskaller » (= la cave à glace) a laissé supposer à certains que l’endroit avait  dû servir, à un moment donné, à entreposer de la glace récupérée en hiver sur la zone inondable des alentours et que cela servait à une brasserie de la région.

Mais en ce qui me concerne, j’avais une grande tante qui était aussi un peu ma nourrice. Pour les gens de Bernolsheim,  elle était connue sous le nom de « Drüdde Geddel » ou « Drüdde Rees » (elle s’appelait Thérèse*) et c’est elle qui me parlait de « Ogishoft ». Plus tard,  j’ai entendu parler d’un général de Napoléon Ier dénommé OGE qui aurait eu cette ferme en récompense pour service rendu à l’Empereur et pour punir Bernolsheim qui, soi-disant, n’était pas assez « Napoléonien ».

Dans le bulletin de la SHABE n°26 de décembre 1998, il est question d’une découverte exceptionnelle d’il y a plus de 100 ans. Le 23 octobre 1863,  le Sieur Antoine LAGEL, Adjoint au Maire de Bernolsheim, en extrayant de la garance avec des ouvriers, tombe sur un site funéraire Romain non loin de la ferme « LEMAITRE – CHABERT » qui devait être la ferme dont le dernier exploitant était le dénommé OGE. Un incendie ravagea l’ensemble en 1893.

Dans « Histoire de l’Alsace rurale », il est question des conflits entre des propriétaires bourgeois et les villageois pour des raisons agraires et religieuses inextricablement mêlées. L’un de ces conflits se déroule vers 1820 aux environs de Brumath. OGE, Officier en retraite, exploite lui-même des terres,  à Krautwiller où il possède une « cense » (une ferme), à Brumath où il est propriétaire d’un « lieu tout à fait entouré de fossés » et à Bernolsheim où il met en valeur des communaux, en particulier « un marais infect » qui ne produisait rien et était abandonné de tous. Ce chef d’escadron en retraite a su mettre en valeur des communaux de Bernolsheim. C’est en creusant des fossés et par des apports de terre étrangère qu’il réussit cette conversion. Mais, sans cesse, ce novateur se fait harceler.

En évoquant la mise en valeur du marais, il ne manque pas de souligner qu’il a traversé mille obstacles et chicanes. On s’acharne à lui réclamer des droits de pâturage sur des prairies nouvelles. Bernolsheim cherche à empêcher le passage des voitures de terre destinées à l’amendement des communaux. A Krautwiller, on lui demande des droits pour l’utilisation du four à garance.

Ce gentleman-farmer est donc harcelé par plein de subtilités mais qui vont de pair avec de menues voies de fait et il s’en plaint sous ses termes et exprime ainsi son désespoir : « Mes biens sont à la merci d’un chacun, l’on me fait des sentiers de tout côté, on me vole mes foins et les grains…je dois être tranquille spectateur, on dirait que je suis entièrement hors la loi ».

Mais, du côté des villageois, il est bel et bien hors la loi : « Il est vraiment pénible d’avoir constamment à répondre à toutes les exigences de Monsieur OGE qui fatigue non seulement l’administration mais encore la justice, partout il se croit lésé et jamais il n’entend se soumettre au règlement établi comme les autres habitants. »

Cet exemple, cité pour illustrer des points du vues inconciliables propres à cette époque, aura servi pour nous, à Bernolsheim, à découvrir une part d’histoire de ce coin perdu.

D’après le bulletin de la SHABE n°26 de 1998, cette ferme disparaît par un incendie en 1893, d’où l’appellation pour les Brumathois « De Verbrannt Hoft ».

A l’heure actuelle, il subsiste un marronnier majestueux qui mériterait d’être classé monument historique. Lorsque nous étions écoliers, il y en avait deux identiques et ils matérialisaient l’entrée de la ferme. Il reste à trouver des éléments quant à la carrière militaire du commandant OGE. A-t-il fait Austerlitz... Iéna… Wagram… la retraite de Russie…. ou Waterloo ?

Etait-il un héros ou un opportuniste ? A l’heure actuelle, ce site du coin le plus reculé du ban de BERNOLSHEIM gardera une part de mystère.

*Thérèse MATHERN est visible dans le livre « Bernolsheim à travers le XXème siècle » page 77 sur une photo prise en 1904, c’est la première à partir de la gauche avec la coiffe alsacienne, elle était plus petite que la moyenne, c’est pour ça que le photographe l’a fait monter sur un tabouret.

Xavier MATHERN

Mes sources :

  • Explorations et découvertes personnelles durant ma jeunesse.
  • Témoignages des anciens.
  • Histoire de l’Alsace rurale.
  • Librairie ISTRA Paris-Strasbourg page 260.
  • Bulletin SHABE n°26 de décembre 1998.